Le courage managérial ou le courage d’être soi
Estimated reading time: 8 minutes
Le terme « courage managérial » évoque souvent des images de décisions difficiles, de licenciements, de restructurations ou de prises de position tranchées. Pourtant, le vrai courage managérial se situe ailleurs. Il se trouve dans la capacité du manager et du leader à rester pleinement aligné avec sa conscience, à assumer ses choix, à exprimer ses émotions et, parfois, sa vulnérabilité.
Dans un contexte où le leadership est souvent réduit à la performance et au contrôle, ce courage d’être soi devient un avantage décisif. Il renforce la qualité de la prise de décision, la solidité de la relation avec les équipes et la crédibilité du manager sur le long terme.
Redéfinir le courage managérial
Beaucoup de managers associent encore le courage à la dureté. « Tenir la ligne », « ne pas flancher », « rester fort »… Ce modèle de leadership a longtemps dominé. Il est pourtant incomplet.
Le courage managérial ne consiste pas seulement à imposer des choix ou des décisions difficiles. Il repose surtout sur la cohérence intérieure. Il s’exprime lorsque le manager :
- prend une décision conforme à ses valeurs, même si elle est impopulaire ;
- assume ses émotions plutôt que de les masquer derrière un masque de neutralité ;
- ose reconnaître ses limites face à son équipe ;
- choisit la transparence plutôt que les non-dits.
Le courage managérial devient alors une posture. Il ne s’agit pas de jouer un rôle, mais au contraire de cesser de jouer un rôle. Devenir un leader authentique, c’est accepter d’être vu tel que l’on est, avec ses forces et ses fragilités.
L’authenticité, cœur du leadership courageux
Un leadership authentique n’est pas un leadership « parfait ». Il repose sur trois piliers simples mais exigeants :
- La clarté intérieure : savoir ce qui compte vraiment, sur le plan éthique, humain et stratégique.
- La congruence : aligner discours, décisions et actions avec ces valeurs.
- La transparence relationnelle : oser dire ce qui est vrai, avec respect.
Cette authenticité nourrit la confiance. Une équipe sait très vite si un manager parle « vrai » ou s’il se cache derrière des éléments de langage. Le courage managérial consiste à prendre le risque d’être perçu comme humain, et non comme une machine à décisions.
Exemples concrets de courage d’être soi
Exemple 1 : Dire non à une demande contraire à ses valeurs
Un manager reçoit la demande de « pousser » un produit dont la qualité est contestable, uniquement pour atteindre des objectifs trimestriels.
Deux options s’ouvrent à lui :
- se conformer, en imposant ce choix à son équipe et en espérant que cela passe ;
- exprimer ses réserves, argumenter, proposer une autre orientation plus respectueuse du client.
Dans le premier cas, la décision peut sembler courageuse en apparence (respect des objectifs, loyauté à court terme). Dans le second, le manager exerce un véritable courage managérial : il prend le risque d’être vu comme « difficile », mais reste aligné avec sa conscience professionnelle.
Exemple 2 : Reconnaître une erreur devant son équipe
Après une prise de décision stratégique, les résultats ne sont pas au rendez-vous. La tentation est grande de se justifier, d’invoquer le contexte ou l’attitude des collaborateurs.
Un leader courageux adopte une autre posture. Il assume :
« Cette décision n’a pas produit les effets attendus. La responsabilité m’appartient. Réfléchissons ensemble à la meilleure suite. »
Cette attitude ne diminue pas son leadership. Au contraire, elle renforce sa crédibilité. La reconnaissance de ses erreurs montre un véritable courage managérial et ouvre la porte à un apprentissage collectif.
Exemple 3 : Exprimer sa vulnérabilité dans une situation de crise
En période de crise, certains managers verrouillent toute émotion. Visage fermé, voix neutre, distance maximale. Cette posture peut rassurer à très court terme, mais crée souvent de la méfiance à moyen terme.
Un autre type de leadership consiste à dire :
« La situation est difficile. Elle génère aussi du stress. C’est le cas pour moi également. Cependant, des choix clairs vont être posés et chacun sera accompagné. »
Le manager ne se confesse pas, ne se déverse pas sur son équipe. Il partage simplement une réalité humaine, tout en gardant son rôle de pilotage. Cette combinaison de vulnérabilité assumée et d’orientation claire illustre parfaitement le courage d’être soi.
Pourquoi ce courage managérial manque souvent
Si le courage managérial est si précieux, pourquoi reste-t-il si rare ? Plusieurs freins reviennent fréquemment dans la pratique du coaching professionnel :
- la peur du jugement (« si les collaborateurs voient les doutes, le leadership va s’effondrer ») ;
- la peur du conflit (« si les convictions sont exprimées, la relation va se tendre ») ;
- la peur de la sanction hiérarchique (« si certains choix sont contestés, la carrière va en pâtir ») ;
- des modèles anciens de leadership, intégrés très tôt : un manager doit être fort, maîtrisé, toujours sûr de lui.
Ces croyances limitantes poussent de nombreux leaders à porter un masque. Ce masque consomme une énergie considérable et éloigne la personne de ce qu’elle est réellement. Le courage managérial commence souvent au moment où ce masque est retiré.
Comment cultiver le courage managérial : pistes pratiques
Le courage d’être soi ne se décrète pas. Il se construit. Plusieurs leviers peuvent être activés au quotidien.
Clarifier ses valeurs de leader
Un leadership solide s’appuie sur des valeurs explicites.
Exercice simple :
- Lister les 5 valeurs essentielles dans le travail (par exemple : respect, justice, transparence, exigence, coopération).
- Pour chaque valeur, noter une ou deux actions concrètes qui la traduisent dans la gestion de l’équipe.
- Observer ensuite dans quelles situations ces valeurs sont respectées ou compromise.
Cette démarche permet de sécuriser la prise de décision. Quand les choix sont alignés avec des valeurs clairement identifiées, la posture gagne naturellement en courage.
Pratiquer la transparence graduée
Le courage managérial ne consiste pas à tout dire, tout le temps. Il s’agit plutôt de chercher le bon niveau de transparence.
Quelques questions utiles avant une prise de parole :
- Quelle information est essentielle pour que l’équipe comprenne le sens des décisions ?
- Quelle part de réalité est tue par confort ou par peur ?
- Quels éléments peuvent être partagés sans mettre en danger la confidentialité ou la stratégie ?
Cette réflexion incite le manager à ajuster son discours, à sortir du pilotage « en mode défense » et à s’engager davantage dans la relation.
Apprendre à nommer ses émotions
Un manager n’est pas tenu à la neutralité émotionnelle. Le leadership moderne reconnaît la place de l’intelligence émotionnelle dans la qualité de la décision et des interactions.
Pratique utile :
- Identifier ce qui est ressenti dans une situation tendue (colère, frustration, tristesse, inquiétude).
- Le formuler de façon professionnelle : « Cette situation génère de la frustration », plutôt que de laisser ces émotions s’exprimer par des comportements passifs-agressifs ou des silences lourds.
Nommer une émotion n’est pas un aveu de faiblesse. C’est une action consciente qui montre une maîtrise de soi plus fine.
S’entraîner à poser des limites
Le courage managérial se manifeste aussi dans la capacité à dire non, à poser des limites claires, à refuser des orientations contraires au sens ou à la santé de l’équipe.
Quelques phrases utiles :
- « Ce délai n’est pas réaliste au regard des ressources actuelles. »
- « Cette demande met en difficulté la qualité du service rendu. »
- « Une autre option est possible, plus cohérente avec la stratégie annoncée. »
S’entraîner à ce type de formulation, idéalement à froid, aide le manager à agir avec plus de stabilité lorsqu’une situation tendue se présente.
Le rôle du coaching professionnel dans le développement du courage managérial
Le coaching professionnel constitue un levier puissant pour développer le courage managérial. Un coach offre un espace sécurisé où le manager peut :
- explorer ses peurs, ses freins et ses croyances ;
- revisiter son modèle de leadership ;
- clarifier l’orientation qu’il souhaite donner à sa carrière et à son équipe ;
- s’entraîner à des prises de décision plus alignées ;
- préparer des conversations délicates (feed-back, recadrage, annonces difficiles).
Dans ce cadre, le leader travaille à la fois sur ses émotions, ses choix et ses actions. Il apprend à rester lui-même, y compris sous pression. Le coaching professionnel ne donne pas de recettes miracles. Il accompagne un processus de maturation, où le manager cesse progressivement d’incarner un rôle imposé pour devenir un leader congruent.
Le courage managérial, une force stratégique
Le courage managérial n’est pas seulement une qualité humaine. C’est un véritable atout stratégique pour l’organisation.
Un manager authentique :
- inspire davantage confiance ;
- facilite l’engagement des équipes ;
- crée un climat où la parole circule ;
- prend des décisions plus claires car mieux alignées avec le sens ;
- devient un repère stable dans des environnements incertains.
Le courage d’être soi ne se résume donc pas à un trait de caractère. Il se cultive, jour après jour, par des choix, des décisions, des prises de parole et des actions concrètes. Chaque manager, chaque leader, peut décider d’entrer dans cette dynamique. Le point de départ reste toujours le même : accepter de se regarder avec lucidité et choisir, consciemment, de ne plus se cacher derrière son rôle. C’est là que commence le véritable courage managérial.
